"Tout le monde devenait, ça se comprend bien, à force d'attendre que le thermomètre baisse, de plus en plus vache." - Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
2005/06/26
2005/06/25
Cruel et froid (bis)
Tout ce chapitre où Barmadu passe de l'Europe à l'Afrique est absolument brillant.
"Dans le froid d'Europe, sous les grisailles pudiques du Nord, on ne fait, hors les carnages, que soupçonner la grouillante cruauté de nos frères, mais leur pourriture envahit la surface dès que les émoustille la fièvre ignoble des Tropiques.[...]"
"D'ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d'une seule journée bien ordinaire désirent votre pauvre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n'en ont pas, tous ceux qui voudraient que vous ayez achevé de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d'autres. C'est incessant. On s'y fait. Sur le bateau ça se discerne mieux cette presse, alors c'est plus gênant." Louis-Ferdinant Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 14:06 0 commentaires
Cruel et froid
"Elle était heureuse de me retrouver ma mère, et elle pleurnichait comme une chienne à laquelle on a rendu enfin son petit. Elle croyait aussi sans doute m'aider beaucoup en m'embrassant, mais elle demeurait cependant inférieure à la chienne parce qu'elle croyait aux mots elle qu'on lui disait pour m'enlever. La chienne au moins, ne croit que ce qu'elle sent." - Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 14:03 0 commentaires
Le froid, dernier refuge
"Pendant l'alerte, protégés dans leurs réduits, les locataires échangeaient des politesses guillerettes. Certaines dames en peignoir, dernières venues, se pressaient avec élégance et mesure vers cette voûte odorante dont le boucher et la bouchère leur faisaient les honneurs, tout en s'excusant, à cause du froid artificiel indispensable à la bonne conservation de la marchandise." - Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 13:58 0 commentaires
"Je lui suggère peut-être seulement que je suis immonde. Je suis peut-être un artiste dans ce genre-là. Après tout, pourquoi n'y aurait-il pas autant d'art possible dans la laideur que dans la beauté? C'est un genre à cultiver, voilà tout." Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
Et Céline y parvient mieux que quiconque.
par La gousse craintive vers 13:54 0 commentaires
"Fortune elle s'était mise à faire en quelques mois, grâce aux alliés et à son ventre surtout. On l'avait débarassée de ses ovaires il faut le dire, opérée de salpingite l'année précédente. Cette castration libératrice fit sa fortune. Il y a de ces blennoragies féminines qui se démontrent providentielles. Une femme qui passe son temps à redouter les grossesses n'est qu'une espèce d'impotente et n'ira jamais bien loin dans la réussite." - Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
Et quelques années plus tard, on inventa la pilule.
par La gousse craintive vers 13:47 0 commentaires
2005/06/17
2005/06/16
Du sacrifice
Dans Des choses cachées depuis la fondation du monde, René Girard place le sacrifice à l'origine de toute culture. À mesure que nous prenons conscience de la gratuité du bouc émissaire, l'effet rassembleur du sacrifice diminue. Girard prévient qu'au lieu de délaisser le sacrifice, les hommes en viennent alors à multiplier les sacrifiés. Céline, apparament, a vu la même chose:
La religion drapeautique remplaça promptement la céleste, vieux nuage déjà dégonflé par la Réforme et condensé depuis longtemps en tirelires épiscopales. Autrefois, la mode fanatique, c'était "Vive Jésus! Au bûcher les hérétiques!", mais rares et volontaires après tout les hérétiques... Tandis que désormais, où nous voici, c'est par hordes immenses que les cris: "Au poteau les salsifis sans fibres! Les citrons sans jus! Les innocents lecteurs! Par millions face à droite!" provoquent les vocations. Les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu'on s'en empare et qu'on les écartèles!
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 22:51 0 commentaires
La honte des condamnés
"Lorsqu'elle découvrit à quel point j'étais devenu fanfaron de mon honteux état, elle cessa de me trouver pitoyable le moins du monde... Méprisable elle me jugea, définitivement.
Elle résolut de me quitter sur-le-champ."
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 22:48 0 commentaires
La peur vient du froid
"Mais nous étions loin de là, titubants dans un idéal d'absurdités, gardés par les poncifs belliqueux et insanes, rats enfumés déjà, nous tentions, en folie, de sortir du bateau de feu, mais n'avions aucun plan d'ensemble, aucune confiance les uns dans les autres. Ahuris par la guerre, nous étions devenus fous dans un autre genre: la peur. L'envers et l'endroit de la guerre."
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 22:43 0 commentaires
2005/06/15
La honte des livres
"D'avoir goûté ponctuellement les beignets pendant tout un mois, Lola avait grossi de deux bonnes livres! Son petit ceinturon témoignait d'ailleurs, par un cran, du désastre. Vinrent les larmes. [...] Je suggérai alors qu'elle abandonne son service à une collègue qui, elle, au contraire, rechercherait des "avantages". Lola ne voulut rien entendre de ce compromis qu'elle considérait comme une honte et une véritable petite désertion dans son genre."
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 20:32 0 commentaires
Se frayer un chemin
Je croyais avoir oublié mon livre au fond d'une armoire. Or, je n'avais pas regardé plus loin que le bord de mon sac où il s'était terré. J'adore ce roman qui invente une poésie de la guerre qui n'a rien à voir avec l'épopée.
De certain, il n'y avait à opposer décidément à tous ces puissants que notre petit désir, à nous deux, de ne pas mourir et de ne pas brûler. C'était peu, surtout que ces choses-là ne peuvent pas se déclarer pendant la guerre.
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
"Je les déteste, je voudrais qu'ils brûlent."
- Myriosis, à tous vents.
Il m'arrive de penser que nous sommes tous condamnés, de notre point de vue dans l'existence, à suivre la trajectoire la plus longue possible, c'est-à-dire la moins périlleuse de toute, la plus ennuyante, pour assister bêtement aux trépas des autres qui, eux-mêmes, vivent dans les mêmes conditions.
Le Jours! Un de plus! Un de moins! Il faudrait essayer de passer à travers celui-là encore comme à travers les autres, devenus des espèces de cerceaux de plus en plus étroits, les jours, et tout remplis avec des trajectoires et des éclats de mitraille.
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 14:08 0 commentaires
2005/06/14
Une bataille, mais pas la guerre
La soif m'a réveillé à 5 heures ce matin. Au bout de mon lit, le petit ventilateur soufflait sur mes pieds. Il me semblait entendre, malgré les bouchons dans mes oreilles, un bruit qui valait la peine que je m'y attarde. La pluie? Retirant un des bouchons, j'ai pu constater avec soulagement que l'eau tombait du ciel, transperçant sans appel le dôme de chaleur qui étouffait le pays.
J'ai bu trois verres d'eau, puis je suis retourné me coucher. Des éclairs brûlantes zébraient le ciel. La chaleur n'avait pas dit son dernier mot. Sur les bruits de cette bataille je me suis rendormi. Deux heures plus tard, transis, je m'abritais sous les couvertures.
Le froid avait gagné.
par La gousse craintive vers 11:13 0 commentaires
La honte des couleurs
C'est au moment d'acheter la peinture que j'ai soudainement changé d'idée: pas ce brun-là, plutôt celui-ci.
Et pendant que le commis mélangeait les teintes, je retournais le carton pour vérifier le nom du ton que j'avais choisi: selle espagnole.
Hilarité générale chez Rona: dans ma chambre il y aura du brun marde.
par La gousse craintive vers 10:49 0 commentaires
2005/06/13
Cruelle canicule
Pendant que les masses s'agglutinaient sur l'île Notre-Dame pour mieux vivre le smog et la canicule, je m'enfermais dans le nouveau logement pour étendre la peinture sur les murs. Nous épongions autant la sueur sur nos fronts que les éclats de couleur sur les boiseries.
Soudain, à la porte, cette jeune fille venue nous aider nous tendait toute heureuse des Mr Freeze chaudement accueillis. Livraison de froid à domicile.
Merci à tous ceux qui sont venus nous aider. Pour les autres, vous pouvez vous reprendre dans le courant de la semaine. Qui eût cru qu'un 4 et demi puisse être si long à peinturer?
par La gousse craintive vers 11:27 0 commentaires
2005/06/09
Mes dents de sagesse
À cause de ces orifices, de ces plaies ouvertes dans mes gencives, ma langue baignait dans un mélange d'eau salée, d'enzymes et d'acides aminées de tout acabit, bref, la soupe primordiale. Et la vie déjà s'installait.
Pendant mon sommeil, des algues sanguines croissaient dans cette vase et descendait le long de ma gorge. Je les récoltais à mon réveil avec un mouchoir.
Il n'en reste plus aujourd'hui que quelques gales poisseuses s'agrippant désespérément à mes orifices désormais colmatés. Après chaque repas, je les attaque à grands coups de rinçage à l'eau salée. Le règne de la mer morte. Plus rien ne grandit maintenant dans cette gorge.
par La gousse craintive vers 15:51 0 commentaires
2005/06/06
L'histoire de ma vie
"Ah l'envie de s'en aller! Pour dormir! D'abord! Et s'il n'y a plus vraiment moyen de partir pour dormir alors l'envie de vivre s'en va tout seule."
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
On n'a pas idée à quel point cette citation s'applique à moi.
par La gousse craintive vers 22:33 0 commentaires
L'imagination et la mort
"Quand on a pas d'imagination, mourir c'est peu de chose, quand on en a, mourir c'est trop. Voilà mon avis."
- Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 22:29 0 commentaires
2005/06/05
Se cacher du froid
"Quand il fait très froid, non plus, il n'y a personne dans les rues; c'est lui, même que je m'en souviens, qui m'avait dit à ce propos: "Les gens de Paris ont l'air toujours d'être occupés, mais en fait, ils se promènent du matin au soir; la preuve, c'est que lorsqu'il ne fait pas bon se promener, trop froid ou trop chaud, on ne les voit plus; ils sont toujours dedans à prendre des cafés crème et des bocks. C'est ainsi!""
-Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
par La gousse craintive vers 19:42 0 commentaires