2009/02/26

Simon et moi, sur le café et le riz

Gousse dit :
J'ai cassé mon bodom.

simon dit :
Ce n'est pas grave, tu ne bois plus de café, Gousse.

Gousse dit :
Je bois du café, Simon, j'en ai même bu un avec toi dimanche. 

simon dit :
Du DÉCA. C'est pas du vrai  

Gousse dit :
N'importe quoi. Comme si du riz blanc n'était pas du riz. 

2009/02/24

Entendu sur la ligne bleue

Deux adolescentes lisent ensemble la page du journal Métro réservée aux nouvelles de la STM : 
"Moi, je prendrais cet argent-là pour étendre le métro. On est en pleine crise économique, c'est pas le temps de mettre plus d'autobus!"

2009/02/21

Dans les journaux

Deux chroniques délicieuses ce week-end :
Pierre Foglia, Le pervers
Gil Courtemanche, Une leçon de démocratie

2009/02/18

Un asticot mal placé

J'étais récemment assis à la table d'un café branché avec un ami que je n'avais pas revu depuis son long périple dans de lointaines contrées. Son récit était si passionnant que j'en oubliais les doux et jolis serveurs qui allaient et venaient dans tous les sens. Soudain mon ami s'inséra un doigt dans l'oreille, qu'il se mit à agiter avec vigueur, comme s'il tentait d'y déloger quelque chose, tout en continuant de me parler, comme si de rien n'était, mais après un moment, n'ayant toujours pas réussi à venir à bout de sa démangeaison, s'excusa du temps qu'il prenait à faire un geste si peu élégant. Compréhensif de nature, et si accommodant, je lui dis de prendre tout le temps qu'il jugerait nécessaire. 

Ce petit jeu dura un moment, jusqu'à ce que, enfin, mon ami sorte triomphalement le doigt de son conduit auditif et qu'à ce geste, un petit résidu blanc, projeté violemment hors de sa tanière, atterrisse sur la table. En y regardant de plus près, je reconnus un asticot qui se tortillait. Mon ami prit alors une serviette de papier pour écraser la petite créature et, devant mon soupir de soulagement, se confondit en excuse. Il m'expliqua que cela lui arrivait un ou deux fois par semaine depuis le Brésil. Et moi de balayer cette explication d'un geste de la main : "Je pensais que tu allais le mettre dans ta soupe!"

2009/02/16

Ce qu'exige l'amour

Que nous croyions qu'un être participe à une vie inconnue où son amour nous ferait pénétrer, c'est, de tout ce qu'exige l'amour pour naître, ce à quoi il tient le plus, et qui lui fait faire bon marché du reste. Même les femmes qui prétendent ne juger un homme que sur son physique, voient en ce physique l'émanation d'une vie spéciale. C'est pourquoi elles aiment les militaires, les pompiers; l'uniforme les rend moins difficiles pour le visage; elles croient baiser sous la cuirasse un cœur différent, aventureux et doux; (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p. 142)

2009/02/15

La fille du jardinier

Quelquefois j'étais tiré de ma lecture, dès le milieu de l'après-midi, par la fille du jardinier, qui courait comme une folle, renversant sur son passage un oranger, se coupant un doigt, se cassant une dent et criant : "Les voilà, les voilà!" (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p. 129)

2009/02/13

Montréal et Barcelone, capitales du night life.

Du plaisir de lire

Enfin en continuant à suivre du dedans au dehors les états simultanément juxtaposés dans ma conscience, et avant d'arriver jusqu'à l'horizon réel qui les enveloppait, je trouve des plaisirs d'un autre genre, celui d'être bien assis, de sentir la bonne odeur de l'air, de ne pas être dérangé par une visite; et, quand une heure sonnait au clocher de Saint-Hilaire, de voir tomber morceau par morceau ce qui de l'après-midi était déjà consommé, jusqu'à ce que j'entendisse le dernier coup qui me permettait de faire le total et après lequel le long silence qui le suivait semblait faire commencer dans le ciel bleu toute la partie qui m'était encore concédée pour lire jusqu'au bon dîner qu'apprêtait Françoise et qui me réconforterait des fatigues prises, pendant la lecture du livre, à la suite de son héros. Et à chaque heure il me semblait que c'était quelques instants seulement auparavant que la précédente avait sonné ; la plus récente venait s'inscrire tout près de l'autre dans le ciel et je ne pouvais croire que soixante minutes eussent tenu dans ce petit arc bleu qui était compris entre leurs deux marques d'or. (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p. 128)

2009/02/12

Si mes parents m'avaient permis, quand je lisais un livre, d'aller visiter la région qu'il décrivait, j'aurais cru faire un pas inestimable dans la conquête de la vérité. Car si on a la sensation d'être toujours entouré de son âme, ce n'est pas comme d'une prison immobile; plutôt on est comme emporté avec elle dans un perpétuel élan pour la dépasser, pour atteindre à l'extérieur, avec une sorte de découragement, entendant toujours autour de soi cette sonorité identique qui n'est pas écho du dehors mais retentissement d'une vibration interne. On cherche à retrouver dans les choses, devenues par là précieuses, le reflet que notre âme a projeté sur elles, on est déçu en constatant qu'elles semblent dépourvues dans la nature, du charmes qu'elles devaient, dans notre pensée, au voisinage de certaines idées [...] (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p. 127)

2009/02/11

Tous les sentiments que nous font éprouver la joie ou l'infortune d'un personnage réel ne se produisent en nous que par l'intermédiaire d'une image de cette joie ou de cette infortune; l'ingéniosité du premier romancier consista à comprendre que dans l'appareil de nos émotions, l'image étant le seul élément essentiel, la simplification qui consisterait à supprimer purement et simplement les personnages réels serait un perfectionnement décisif. (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, p. 125)

2009/02/09

Méchant bonbon

J'ai un collègue chinois qui m'a donné un bonbon de son pays. Je ne comprends rien de l'étiquette, mais on me jure qu'il n'y a ni noix, ni amandes, que du café.   Le bonbon est d'un brun très foncé, il est dur et luisant, et dégage une forte odeur de café brûlé. Quand je le mets dans ma bouche, j'ai l'impression de passer ma langue sur le fond d'une cafetière où le café, sans cesse réchauffé, se serait évaporé, puis calciné jusqu'à former une croûte. Heureusement, un  léger goût de sucre rend ce premier contact agréable. Mais on se lasse bien vite et le goût de vieux café brûlé prend toute la place. Et on s'inquiète de penser que le bonbon, si dur, prendra beaucoup de temps à fondre. 

Alors qu'elle a étudié différentes villes qui ont une histoire coloniale et linguistique semblable à celle de Montréal, dont Calcutta en Inde, Barcelone en Espagne, Prague en République tchèque, ou Trieste en Italie, elle dit n'avoir trouvé aucun exemple comparable à Montréal en matière de particularités linguistiques. [...] En fait, c'est à Barcelone, où se côtoient le catalan et l'espagnol, et où l'on trouve une sorte de catalan métissé d'espagnol, que Sherry Simon trouve les similarités les plus vives avec la réalité linguistique de Montréal, marquée par la forte présence de deux langues parlées internationalement. (Le Devoir, 7 février 2009)

2009/02/08

Elles arrivent en robe légère, fardées et coiffées, baisent en entrant la main des maîtres de maison. Mais le fard est moins pour donner l'illusion d'être belles que les apparences de la santé. Sous le rouge et la poudre, elles ont dissimulé leur vérole, leur phtisie et le paludisme.
- Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, p. 444

2009/02/07

La margarine

Par un beau matin ensoleillé, lors de mon premier voyage en Catalogne, ma belle-mère a mis un pot de margarine sur la table. Je me suis tout de suite arrêté de manger pour regarder, un peu ébahis, la couleur du condiment. J'ai ensuite expliqué à toute la famille que, une loi empêchant, au Québec, la margarine d'être jaune, j'avais grandi dans un monde où elle était blanche.

À moins d'être en visite, je ne mange pas de margarine. Mais mon Catalan, lui, "en beurre ben épais", comme on dit. Cette semaine, comme bien souvent, il avait laissé le pot de margarine ouvert sur la table. Cette fois, elle était jaune. Je me suis retenu de la prendre en photo. La loi est tombée. La fin d'une époque.

2009/02/04

Ma première loge

La Catalogne et moi sommes entrés dans la loge de la star après que celle-ci s'en soit allée rejoindre ses fans, qui l'attendaient. L'endroit était vaste, très éclairé, et rempli de miroirs. Les robes de l'actrice étaient suspendues mollement près d'un mur, lasses sans doute de jouer chaque soir depuis des semaines. "Paix! Paix!", avons-nous crié, en cherchant dans tous les recoins possibles et imaginables. Soudain le mime est apparu. "Viens-tu souper avec nous?", lui avons-nous demandé. Il a hoché de la tête en souriant et nous sommes sortis tous les trois, sans dire un mot, par une porte dérobée.