2007/12/12

Souvenirs de trappe

Enfants, père nous emmenait parfois à la "trappe", mon frère et moi. Nous descendions alors jusqu'à Fort-Coulonge, où nous prenions un chemin forestier qui allait rétrécissant au fil des heures. À la fin, le chemin se resserrait autour du camion à un point tel que les branches raillaient la peinture dans un grincement monstrueux. Le sol, cahoteux, imposait une conduite lente. Les dix derniers kilomètres prenaient bien une heure. Puis, nous arrivions dans une petite clairière que père avec défrichée. C'est là qu'il avait construit son camp en bois en rond, juste avant la pente qui descendait vers le lac.

Le camp n'avait qu'une seule pièce pour manger, se laver et dormir. Quand nous arrivions, il fallait brasser les matelas des lits, pour effrayer toute souris qui aurait pu y faire son nid. Même chose pour le vieux four à bois, que nous inspections avant d'y allumer le feu qui allait autant nous chauffer que nous nourrir. Puis nous suivions père dans les inextricables sentiers qu'il avait parsemés de pièges. Nous revenions, le soir, les bras chargés de bêtes que nous déposions par terre. C'est là que le carnage commençait. Et il allait durer toute la nuit.

Car ce qui nous intéressait, c'était la fourrure. L'opération se faisait directement sur la table. Martres, belettes et pékans devenaient méconnaissables sans leur fourrure, masses rouges de muscles et jaunes de gras. Mais le plus effroyable restait le castor, que l'on continuait de reconnaître à ses deux dents jaunes et sa queue plate. Et son odeur. Ce sacré rongeur, on avait beau lui arracher toute la peau du corps, il était encore un castor. Sa peau était ensuite tendue sur une planche, où père la fixait avec des centaines de clous, côté carnage à l'air libre et au regard de tous, côté pelage face à la planche, pour le protéger. Sur cette peau ainsi déployée, on distinguait les orifices des yeux et des pattes.

Et l'opération se répétait autant de fois qu'il y avait de castors. Et dieu sait qu'il y en a, des castors, au Canada.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Oh, moi qui pensais qu'il s'agissait de clichés du Canada tout ça... :)

La gousse craintive a dit...

Détrompez-vous...