Premier regard sur Montserrat
Lorsqu’on aperçoit la silhouette en dents de scie de Montserrat se profiler à l’horizon, on ne doute pas un seul instant que cette montagne ait été sacrée. Depuis la banquette arrière de la voiture, encore sonné par mon récent atterrissage, je regardais la montagne en rêvant aux sorcières qui ont dû se réfugier là-bas, aux fées qu’on a dû apercevoir entre les pics, aux sorciers qui se targuaient de relations privilégiés avec les démons de la montagne … au sang versé – l’Europe est si vieille qu’on peut se demander s’il reste encore des endroits où du sang humain n’a pas coulé. Ah! que de contes de fées ont dû naître autour de Montserrat. Et qui sait s’ils n’en reste pas quelque trace dans nos versions de Cendrillon et de Peau d’Âne ?
Aujourd’hui, sur les flancs de la montagne, un monastère abrite la légendaire Vierge noire – comme quoi le sacré n’est pas mort. Des milliers de touristes et de pèlerins font la queue chaque jour pour voir de près la statuette noircie par la fumée des lampions allumés par les fidèles et autres suppliants.
Nous nous sommes arrêtés au pied de la montagne. Le monastère était perché là-haut. Mon premier monastère perché sur une montagne. J’aurais pu dire : « On se croirait en Europe », mais nous y étions vraiment. Puis, un funiculaire nous a soulevés de terre. Nous montions, dans un heureux silence, vers la montagne, fenêtres grandes ouvertes pour laisser entrer une douce brise. Quand je sortais la terre pour regarder passer la route, loin en bas, j’oubliais presque la cage du funiculaire et c’était comme si je m’envolais vers Montserrat, parmi les papillons et, plus haut, les hirondelles qui vivaient sous les corniches du monastère. Je brandissais ma caméra, pour immortaliser cet envol et le défilé des étranges et fascinantes colonnes de roche qui formaient la montagne.