2008/10/23

L'aveuglement

J'aimerais pouvoir dire que le plaisir que j'ai lu à lire L'aveuglement est inversément proportionnel à celui que j'ai ressenti en en regardant l'adaptation cinématographique, mais je ne peux pas, car il faudrait pour cela que le film soit complètement nul, or ce n'est pas le cas, pas complètement, puisque les images y sont belles, ce qui, pour un film sur la cécité, est assez paradoxal, vous en conviendrez. Il reste que mon déplaisir n'a rien de surprenant. On a beau entendre qu'une image vaut mille mots, les romans surclassent souvent, sinon toujours, les films qui en découlent.

Mais ici le roman partait avec une longueur d'avance. En effet, lire l'histoire d'une épidémie de cécité a l'avantage de permettre au lecteur d'être à la fois aveugle et voyant, selon le point de vue narratif, mais aussi par le fait que lire une histoire force le lecteur à se faire une représentation mentale des évènements, exactement comme chez l'aveugle. En revanche, le cinéma ne permet au spectateur que de "voir" des gens agir comme des aveugles ou de voir un écran blanc, symbole de leur cécité, mais jamais les deux à la fois. Devant cette impasse, aussi bien prendre le parti de tout montrer et de bien le montrer. Je pense à l'insoutenable scène de viol qui, sur de nombreuses pages, me faisait littéralement trembler d'angoisse et de rage. Mais voilà, par un désolant jeu de clair-obscur, le film suggère plus l'horreur qu'il ne la montre. On frissonne donc là où on aurait pu regarder ailleurs devant l'insupportable, sinon vômir. Foutue rectitude.

Puis le film finit par finir. Mais quelle fin. Une fin à l'eau de rose, une morale bourgeoise à souhait qui n'était pas dans le roman : l'essentiel n'est visible que pour les yeux du coeur. Si j'ai eu envie de vômir durant ce film, c'est bien à ce moment-là. Je l'aurais fait volontier sur la tombe de Saint-Exupéry.

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