2006/01/04

Laver son linge sale

En réponse à un billet dans le blogue d'Émilie:

Je me souviens des heures passées dans une buanderie verdunoise. C'était un autre monde, une autre époque.

Il y avait la pas fine qui lisait le tv hebdo à haute voix. Elle devait avoir l'esprit trop ouverte pour lire dans sa tête. Ça rentrait par les yeux et sortait par la bouche.

Quand j'avais besoin de change, je devais aller voir au comptoir. Le comptoir, c'était une porte, au fond du commerce, qui s'ouvrait à mi-hauteur, le genre de porte qu'on voit souvent dans les arénas, quand on éguise ses patins, et là derrière il y avait une cuisine avec deux femmes qui fumaient. Ces femmes fumaient depuis tant d'années que leur voix semblaient sortir tout droit d'un vieil accordéon désaccordé.

Heureusement, ces femmes étaient sympathiques. Elles me donnaient des trente sous en souriant, ce qui n'était pas le cas de leur jeune frère, ce vieux garçon pourri, gras, mou, aigri par son impuissance patente. Je détestais ses cheveux sales et son air blême.

Un jour, la fichue laveuse avait tâché mes vêtements. On aurait dit qu'ils avaient roulé dans le camboui. Je suis allé voir ce salaud, chemise en main, exigeant qu'on me rembourse, puisque je devais laver mon linge pour la seconde fois. Il a refusé en me disant que je n'étais pas obligé de me servir de ses laveuses. Je lui ai répondu que je n'étais pas obligé de revenir non plus.

J'ai ensuite passé une semaine d'angoisse, car j'avais menti: cette buanderie étant la seule du coin, j'étais obligé d'y retourner.

Heureusement, un concurrent a ouvert ses portes peu de temps après, avec de belles machines Maytag toutes neuves et silencieuses. Je n'ai plus jamais remis les pieds dans l'autre buanderie.

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