Ce matin la Catalogne a jeté un oeil au bocal des poissons : là, parmi les billes qui tapissent le fond, un néon battait des branchies. "Les poissons se cachent pour mourir", ai-je pensé, avant de me raviser. Cet animal n'aurait jamais pu se glisser lui-même sous ces billes. Il s'agissait donc d'un poisson en détresse! À l'aide d'une longue cuillère j'ai soulevé la bille qui le maintenait prisonnier. L'animal s'est aussitôt enfuie. Libre! Il était libre!
Affamé, il fonça vers la surface, où aucune miette ne flottait déjà plus. Son compagnon s'était empiffré pour deux. Mais quelque chose n'allait pas. L'ascension du petit néon était plus pénible que d'habitude. L'arrière de sa colonne vertébrale était brisé. Son dos faisait un "S". La mort le tirait vers le fond, mais il luttait ferme pour remonter à la vie. Courage, petit poisson, courage!
J'ai pris la décision de jeter un peu de nourriture dans le bocal, au risque de tuer l'autre par surnutrition. Le petit néon est arrivé tant bien que mal à la surface. Il n'arrivait qu'à saisir les plus petites miettes. Son vigoureux compagnon s'en donnait à coeur joie. Il croquait tout.
Puis soudain le pauvre petit néon s'est laissé tombé jusqu'au fond. Il agonisait. La Catalogne et moi étions convaincus que c'était fini, mais non, le courageux s'est remis à nager vers la surface. C'était devenu sa raison de vivre, mourir dignement.
Je suis allé prendre ma douche et à mon retour, le valeureux petit poisson était mort. Ses branchies ne palpitaient plus. Son corps inerte gît maintenant sur le lit de billes au fond du bocal.