Jeudi dernier, j'avais rendez-vous avez la Mort (oui, j'ai un ami qu'on appelle la Mort). Sitôt à table, elle me tend des olives fourrées aux amandes que j'ai vite repoussées. "Mortel ami, dis-je, vous avez bien failli me tuer". Puis nous avons tiré le vin et il a bien fallu le boire.
La bouteille finie, il a bien fallu passer à autre chose et c'est alors que la Mort, toute excitée, m'a montré la bouteille qu'elle s'était offerte, du scotch, qu'elle était prête à ouvrir avec moi. Je n'ai pu résister à son fatal enthousiasme, bien que j'aie ma petite idée sur ce genre de whisky. En effet, chaque fois que j'en ai essayé, je n'ai pu m'empêcher de penser que ce devait être ça, le goût de l'eau de Javel.
Mais la Mort m'assurait que celui-là était différent en portant à mon nez le goulot fraîchement ouvert. "Oh! Ça sent la fumée!" m'exclamé-je. La Mort a versé deux verres, y a ajouté quelques gouttes d'eau, "pour libérer les arômes", a-t-elle dit. Puis nous avons bu. Et c'était merveilleusement doux dans la bouche, ça mordillait taquinement dans la gorge, ça se déposait dans l'estomac sans fracas. Envouté, j'ai dû me retenir de finir mon verre à ce moment. J'ai étiré le plaisir, chaque gorgée m'a procuré de vives émotions. Puis enfin, après la dernière goutte, je suis rentré chez moi, ivre mort.
Et tout le jour suivant, j'ai rêvé de scotch.